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)î( UN CHANT ECARLATE )î(
28 juillet 2021

TP-9

9

TROISIEME PARTIE

9

L’amitié a un code de comportement plus constant que celui de l’amour. L’amitié peut dans un cœur dominer l’affection née des liens de sang. Un frère et une sœur ne sont pas forcément des amis. L’amitié ne porte pas les stigmates du temps. L’amour ne sort jamais intact de la traversée des eaux qui l’essouffle.

Soukeyna, la plus âgée des deux filles de Yaye Khady, avait fait de Mireille une sœur et une amie. Dans le conflit Ousmane –Mireille, elle situait les torts du côté de son frère, car l’amitié sait aussi être partisane. Soukeyna convenait en elle-même :

«  Mireille ne manque  pas de bonne volonté. Mais une Blanche ne peut devenir, par ses habitudes, une Négresse accomplie. La Négresse a été éduquée dans un milieu spécifique pour satisfaire plus tard aux exigences de ce milieu. Elle n’a aucune gloire à tirer de sa souplesse d’adaptation dans sa belle-famille. Mais Mireille ! Elle a du mérite .Ses efforts auraient dû être encouragés. Mais Yaye Khady, avec désinvolture, se moque de ses tentatives de réconciliation .Elle aurait voulu faire de Mireille une chose à son service »

Soukeyna et sa belle-sœur entretenaient d’excellentes relations. Malgré la désapprobation de Yaye Khady, elle allait passer ses week-ends dans l’appartement. Elle aidait Mireille à réussir son riz au poisson dont la portion destinée Ousmane refroidissait toute la journée dans une soupière, faute d’être honorée.

Dans la bibliothèque, des tête-à-tête laborieux les occupaient.

Les visites de Soukeyna devinrent presque quotidiennes dés qu’elle apprit la trahison de son frère. Offusquées, elle apaisait. Elle osa même affronter  Yaye Khady :

-       Par égoïsme, tu pousses Ousmane à la catastrophe, et en même temps, tu « tues » une fille d’autrui car Mireille a , elle aussi une mère .Je suis contre le remariage de mon frère que rien ne justifie si ce ne sont tes intérêts. Je n’aurai aucun rapport avec ce deuxième foyer. Mireille a tenté l’impossible pour te contenter ! Elle voulait même prendre ta relève à côté du fourneau malgache, alors que tu lui riais au nez. Tu décourages ses tentatives de coopération. Tu la rejettes sans la connaitre. Pourquoi ? Parcequ’ elle est blanche…Seule sa couleur motive ta haine. Je ne vois d’autres griefs.

Yaye Khady regarda de haut sa fille. La hardiesse de Soukeyna la dépassait. Elle entendait dire que les enfants d’aujourd’hui ne respectaient plus les hiérarchies. Elle entendait ! Mais vivre l’audace de sa fille, en être victime ! Elle n’allait pas se laisser faire .Elle remettait l’insolente à sa place, la place d’un enfant qui ne doit pas « démêler les affaires des adultes» :

-       Qui te demande ton avis, morveuse ? Et si j’en veux à Mireille à cause de sa peau claire parmi notre noirceur ? Mon point de vue : j’ai honte de son fils à la peau métissée. Va le lui dire .Méprise Ouleymatou pour défendre une étagère. Mais tu es isolée dans ton option. Croupis avec ta Mireille§ Serrez votre enfant sur votre cœur. En fait, oses-tu le promener ton neveu, toi si noire ?

Soukeyna eut le courage de répliquer :

-       Pourquoi aurais-je honte de promener Gorgui ? Mais c’ est ce que je fais chaque fois que je suis chez Mireille.

Yaye Khady, interloquée, tapait des mains :

-       Et tu ne sens pas la pesanteur des regards curieux ?

Soukeyna avoua :

-       Il ya bien quelques oisifs qui nous regardent comme on regarde une bonne et l’enfant de sa patronne. Mais a rue ne se déchaine pas pour ce fait, devenu une banalité quotidienne.

Soukeyna claqua la porte et courut vers son amie. Avec courage, Mireille vivait son calvaire. Le soutien affectif de sa belle-sœur l’aidait à résister. Grâce à leurs échanges, l’étreinte qui obstruait sa gorge se relâchait un peu.

Mais Soukeyna pour autant ne dévoilait pas les commérages sur l’ « autre vie» de son frère. Mireille avait beau étaler ses misères, son cœur compatissait profondément mais sa langue ne se déliait point. Et pourtant, elle connaissait la source des maux de son amie. Cette source avait un visage et un prénom.

Mais peu à peu, devant l’abondance des larmes, le cerne des yeux, la pâleur du teint, le désordre de la chevelure à l’état envolé, devant l’amertume des lèvres et tous les ravages opérés par la souffrance, Soukeyna éprouva un irrésistible besoin de porter secours. Son cœur atteint, elle ne pouvait plus pardonner à l’infidélité Ousmane. Elle cherchait le moyen de sauver Mireille, le moyen de la soustraire aux griffes lacérantes du mal qui provoquait sa déchéance.

Plusieurs fois, elle voulut dénoncer l’indignité et la trahison. Plusieurs fois, la difficulté de crucifier un être la bloqua. Une idée s’empara de son esprit .Elle trottait dans sa pensée, contournant ses scrupules. Elle trottait en balayant ses hésitations .Ah ! La bonne idée ! L’ingénieux moyen de renseigner à visage couvert !

«  Oh ! Vite ! Vite ! Mettre un terme au mariage de l’usurpatrice et rendre à Mireille sa beauté et sa joie d’antan ! »

*

* *

Le hasard déjoue les plans les plus élaborés. Ousmane avait bâti sa double vie sur l’isolement de Mireille. Il avait dit à Boly : « Mireille ne saura jamais rien. Son monde est fermé aux ragots..»

La nouvelle famille d’Ousmane tolérait ses absences. Ouleymatou, comblée au-delà de ses ambitions les plus optimistes, n’exigeait rien. Sa mère et elle avaient oublié l’odeur des égouts regorgeant de pourriture. Non, elles ne rêvaient pas. C’étaient bien elles, installées dans une maison en brique sans promiscuité désagréable, sans disputes quotidiennes. Elle n’avait plus à calculer pour économiser de quoi améliorer les menus fades des repas familiaux. Sa mère oubliait, sous les couvertures chaudes, les réveils frileux à l’aurore, pour être présente dans sa cantine au marché.

De quoi devrait-elle se plaindre ? Ouleymatou avait deux bonnes .L’ une faisait le ménage et le linge, l’autre cuisinait .Elle n’avait qu’à être belle pour recevoir son mari. Et Yaye Khady protégeait son ménage ! Elle lui manifestait sa reconnaissance par des cadeaux somptueux, allant du boubou de sortie au pagne tissé. Les booli se succédaient à Gibraltar, booli de poulets, booli de fruits, booli de couscous, booli de méchoui. Toutes les occasions étaient saisies pour contenter Yaye Khady, et Yaye Khady, orgueilleusement, conviait ses amies à témoigner de la gentillesse de sa belle-fille. Elle partageait le contenu des booli entre ses voisines admiratives.

De quoi devrait-elle se plaindre, Ouleymatou Ngom ?

Ousmane venait tous les jours : entre deux cours, à midi, au crépuscule, toujours la nuit. La porte de la chambre à coucher était verrouillée. L’encens grisait. Une nouvelle grossesse pointait :

Quant à Mireille, elle se débattait dans la toile d’araignée de l’angoisse, serrant son fils qui la reliait au monde, de plus en plus fort sur sa poitrine.

Mais le destin déjoue les plans les plus perfectionnés .Il prit ici la forme d’une lettre anonyme déposée au lycée, dans le casier de Mireille.

Elle avertissait :

Tu as une coépouse sénégalaise. Si tu veux en savoir plus, suis ton mari.

Mireille lut et relut les mots. Elle observa le pli, malgré son écœurement .La forme des lettres et leurs jambages torturés lui rappelaient une écriture connue. Elle cherchait…Et tout d’ un coup, le soupçon devint certitude : l’écriture de Soukeyna ! Par ce moyen, sa petite amie libérait sa conscience et volait à son secours .Le choix de son casier au lycée fréquenté par Soukeyna était révélateur.

Un double étau la comprimait : le procédé jugé vil dans son milieu et le contenu de la lettre.

Ebranlée, elle dut s’aliter .Sa maladie n’arrêta point les allées et venues d’Ousmane. Soukeyna courait à son chevet, inquiet et dévouée.

Pendant une longue semaine, elle se débattit, acceptant et refusant tour à tour le conseil de la lettre. Quand elle put se tenir debout, elle comprit que la lettre triomphait de ses scrupules et faisait aborder à sa vie une nouvelle phase.

*

* *

Mireille se ressaisit, sa nature volontaire ayant dompté ses tourments .Une gêne troublait ses rapports avec Soukeyna qui l’implorait du regard, pour percer ses intentions.

Mais Mireille se taisait.

Solitairement, elle échafaudait une stratégie de combat, lisant et relisant la lettre, pour s’imprégner de son fiel. Elle avait besoin de se justifier devant sa conscience qui réprouvait les méthodes d’espionnage qu’elle allait employer.

Procéder par étape ! Une double vie nécessite des dépenses. Vérifier d’ abord le compte bancaire ! Dans ce compte ouvert avec ses économies transférées étaient dirigés les salaires du couple. Un coup d’œil lui suffit pour mesurer l’étendue du désastre financier. Les chiffres la laissaient sans voix. Des retraits d’une importance inexplicable et à une cadence folle avaient été opérés. A quelles fins ? Ousmane continuait à recevoir d’elle son argent de poche. Il ne fumait pas. Il ne buvait pas. Pour l’entretien de la famille Guéye, elle remettait à Djibril tous les mois la somme fixée. Alors ? L’énormité des retraits transformait des doutes en certitudes.

Elle se dirigea vers une station de taxis et parlements avec le conducteur du premier volume. Elle y prit place en lui indiquant son adresse. Quand ils arrivèrent. Mireille descendit. La voiture ne bougea point. Le chauffeur de taxi avait mission d’attendre Ousmane Guéye pour le suivre dans ses déplacements.

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  • Ce roman retrace une grande histoire d' amour entre un jeune sénégalais et une jeune française . Confrontée aux difficultés ,saura-t-elle résister aux nombreuses pressions de la société sénégalaise?
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