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)î( UN CHANT ECARLATE )î(
8 juillet 2021

DP-8

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DEUXIEME PARTIE

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Le gynécologue avait confirmé l’espoir d’une future naissance. Le corps de Mireille s’étoffait. L’élargissement de ses flancs, la vie palpitante dans son sein, la poussaient à modifier son état d’esprit. Elle s’accrochait à ce miracle, -« une vie dans sa vie !»- , pour redresser son ménage.

Dans des élans sincères et tendres, elle s’ingéniait à réduire les écarts de toutes sortes qui l’éloignaient d’Ousmane.

Brève relâche ! Les hostilités avaient repris…

En dehors « du flot des copains indésirables», Mireille situait Ali et Boly , à présent mariés.

Rosalie, l’épouse d’Ali, faisait partie du secrétariat des services administratifs universitaires, à l’époque dee leurs études.

Elle était musulmane, malgré son prénom à consonance chrétienne.

Yaye Khady l’admirait et disait bien haut :

-       Rosalie n’a rien à envier à Mireille !

Yaye Khady s’extasiait sur la « civilisation » et la « souplesse » de Rosalie qui respectait les traditions et donnait à sa belle-famille son « dû».

-       On n’a pas besoin d’aller ailleurs pour avoir une femme bien. Les Négresse peuvent rivaliser à tous points de vue avec les jeunes Blanches. Ali a bien choisi et dans son milieu. Rosalie est une « véritable femme ».

-       Et Rosalie, en véritable femme», initiait Mireille au savoir-vivre sénégalais. Elle éclairait pour elle les rapports belle-famille et épouse.

Elle conseillait :

-       Sans ton mari, va voir tes beaux parents. Ils apprécieront ton déplacement et sauront ainsi que tes visites ne sont pas téléguidées…

-       De temps en temps, envoie à Djibril Guéye des plats mijotés. Un proverbe dit que « la bouche qui mâche est toujours reconnaissante à la main qui la pourvoit ».

Aie toujours prête une piécette ou mieux quelque billet pour « libérer» les visiteurs, s’ils sont de ta belle-famille, surtout…

N’oublie pas d’ « habiller» tes beaux-parents à la Korité et à la Tabaski. Le frère et les sœurs d’Ousmane ont droit, eux aussi, à tes largesses…

Ne reste pas calfeutrée, broyant du noir, quand les copains de ton mari se trouvent  dans ton salon. Ta cordialité sera ton meilleur atout contre les assauts extérieurs, broyeurs d’unions. Les services rendus par les copains sont inestimables, comparés aux ravages qu’ils font. Le copain est sacré, ses droits sont reconnus, ses conseils écoutés.

L’épouse sans hospitalité enveloppe son mari dans un tissu de moqueries. Méfie-toi ! Ousmane Guéye est orgueilleux !

Rosalie réfléchissait aux obstacles qui pouvaient entraver la marche de Mireille dans cette société pleine de méandres :

-       Je n’insisterai jamais assez sur la nécessité de donner. Ici, donner plus que partout ailleurs, résoud bien des problèmes !

-       Et Mireille s’exténuait à suivre les directives de son amie. Mais l’habitude est souveraine. Modifier son comportement, assigner à sa vie un but différent de ses aspirations sont traumatisants. « Laisser les habitudes à la porte d’une maison. Elles courent vous rejoindre si vous tardez à les reprendre», dit-on. Et Ousmane Guéye se moquait visiblement des efforts d’adaptation de son épouse.

-       Aussi, Mireille eut-elle tôt fait d’oublier les conseils de Rosalie. Distribuer quotidiennement de l’argent ne l’enchantait guère. Les copains qui trainaient dans son salon la contraignaient à les mettre à la porte.

-       Ici n’est pas un fourre-tout.

Les « repas» qu’elle destinait à Djibril Guéye, le samedi soir, déclenchaient les moqueries de Yaye Khady.

-       Un poulet dans une soupière, pour le père de votre mari ! On n’a pas idée. Pour le beau-père, on cuit au moins cinq poules.

Quelles amies convoquerait-elle pour témoigner des téranga-Hospitalité- de Mireille ? Ses amies seraient stupéfaites de voir, dans sa « mare de sauce », « un maigre poulet».

Et Mireille se fâchait. Le gaspillage auquel on la conviait dépassait son entendement. A la fin de chaque mois, ne portai-elle pas au logis de ses beaux-parents la somme destinée à leurs dépenses ? Vexée, elle supprima les repas du samedi.

Yaye Khady la stigmatisait :

-       Celui qui ne fait rien, n’entend rien. L’argent se gagne pour être dépensé. Et ignorant les possibilités financières de Mireille, elle avertissait, haineuse :

-       Tu es assise sur  l’argent de mon fils. Par n’ importe quel moyen, je te délogerai un jour.

-       Mireille rougissait. Elle n’acceptait pas les exigences d’une société tournée entièrement vers l’apparence, à la recherche du prestige, et dans laquelle son mari se mouvait avec une aisance surprenante.

*

* *

Mireille enviait Pierrette, l’épouse de Lamine, témoin d’Ousmane à leur mariage. Les parents de Pierrette cautionnaient son union. Mieux, ils avaient organisé une réception, lors du départ de leur fille.

La mère de Pierrette fuyait les mois d’hiver pour le soleil africain. Elle logeait avec simplicité chez Lamine.

Mireille enviait Pierrette. Lamine était un homme ouvert, qui ne subissait pas de tortures idéologiques. Sa négritude ne le hantait pas. Ne la prenant ni comme une tare à extirper, ni comme une valeur à prouver, il s’y mouvait avec aisance. Dans ses attitudes, aucun  signe d’inquiétude intérieure. Il n’était pas, comme Ousmane, à l’écoute de « sa» société. Sa vie était simplifiée par son détachement du milieu africain. Il épousait la manière de vivre des occidentaux. Considéré comme « perdu» pour sa famille, il continuait plus allégrement à tourner le dos à certaines exigences sociales qui n’avaient pas à ses yeux de signification essentielle.

« L’avait-on jamais vu dans une mosquée ? »

« L’avait-on jamais vu en habit traditionnel ? »

Ces propos malveillants ne le troublaient pas. Il se moquait des médisances qui affirmaient qu’à sa table trônaient vin et porc, « cette boisson et cette chair honnies par le Coran».

Lamine poursuivait allégrement son chemin à côté de Pierrette. Il avait prénommé sa dernière fille Solange-Khadidiatou. Solange avait enterré Khadidiatou dans les mémoires et Ousmane ne supportait pas de voir sa nièce ne répondre qu’au prénom « ridicule » de Solange.

Lamine seul s’acquittait des « corvées » familiales où l’on s’épiait, se jaugeait au lieu de fraterniser. Pierrette avait mis à l’ écart de son foyer sa belle-famille et son mari n’en était pas offusqué.

-       Mon grand, tu es « assimilé », pestait Ousmane.

Lamine plaidait :

-       On ne peut aller deux conceptions de vie différentes. Si l’ on est honnête , il ya un choix à faire . Tu veux être heureux sans rien sacrifier. Tu ne veux rien céder et tu exiges des concessions. La vie conjugale est plutôt humaine approche et tolérance.

Sérieux, Lamine poursuivait :

-       Des difficultés naissent de l’opposition des caractères, des choix à trancher, du contenu que chaque partenaire donne au mot « bonheur».

Mireille faisait durement deux apprentissages : celui de la vie conjugale et celui de femme de Négre en Afrique. En plus du cortège de heurts normaux inhérent à toute vie à deux, elle subissait d’autres agressions. On voulait l’enterrer vive et la ressusciter dans une autre femme qui n’aurait d’elle que l’apparence physique. Mais elle résistait. Elle n’avait pas la même perception des choses et des faits que son entourage et le signifiait, ébranlée cependant dans ses conceptions les plus solides et les plus intimes. Chaque jour effritait un peu plus de courage dont elle s’était armée en quittant son pays, et la transformait en révoltée.

Ousmane ne changeait pas. Ses habitudes, enracinées dans son enfance, demeuraient inébranlables. A la fourchette, il préférait la cuillère. Il pouvait passer à table sans se laver les mains. Quand il sortait de la salle d’eau, le sol en était inondé car il ne cherchait pas à discipliner les jets de la douche. La serviette de toilette bien en vue ne l’empêchait pas de s’essuyer avec le pantalon de son pyjama qu’il trouvait plus doux.

La mésentente du couple s’accentuait et consternait Lamine :

-       Ousmane, que fais-tu à cette enfant ? Tu ne veux pas d’une femme. Tu as besoin d’une esclave. Essaie de changer : sur l’oreiller, « cause avec ton esprit». Tu verras tes torts. C’est la sagesse africaine qui le conseille.

Mais pour Ousmane, tout compromis était synonyme de capitulations. Il opposait à la grande volonté de Mireille le durcissement de ses positions. Même lorsqu’il avait tort, il tenait tête. Tout compromis, tout recul, lui apparaissaient comme l’abdication de sa personnalité. Il se retournait à son tour vers Lamine et ne le ménageait guère :

-       Tu ne te rends pas compte que tu te renies, tu vis tubaab, tu penses tubaab. Du Négre, tu n’as pas plus que la peau. Tu désertes nos rangs alors que nous sommes pauvres en cadres.

Lamine riait des excès de son cousin au lieu de s’en formaliser :

-       En quoi manger à table et manger du steak au lieu du riz peuvent –ils changer un homme ? Dépenser mes gains pour ma famille au lieu d’entretenir des paresseux, en quoi cela me nuit-il ? Eh bien, si respecter ma femme et la laisser s’épanouir selon ses options signifie être colonisé, alors je suis colonisé et je l’accepte. Je désire la paix. Cela ne veut pas dire me renier.

Ousmane réfutait tout :

-       Il ne s’agit pas de cela, grand. Ce que tu énumères , ce sont des aspects de ton comportement que je juge mineurs. Tu n’ignores pas que l’attitude peut créer la pensée. Ce que tu perds est énorme. C’est ton âme d’Africain, ton essence d’Africain. Et c’est grave, grave !

Mireille suivait la conversation, ahurie !

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  • Ce roman retrace une grande histoire d' amour entre un jeune sénégalais et une jeune française . Confrontée aux difficultés ,saura-t-elle résister aux nombreuses pressions de la société sénégalaise?
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