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)î( UN CHANT ECARLATE )î(
16 juin 2021

PP-10

10

PREMIERE PARTIE

10

Djibril Guéye revenu de la mosquée après la prière de Tisbar-Première prière de l’après midi- invita Ousmane à venir le rejoindre dans sa chambre. Yaye Khady, assise sur le lit, était occupée à tresser les cheveux de Safiétou. Ses mains habiles traçaient sur la tête de la petite fille des carrés et des rectangles. Elle enserrait chaque touffe dans du fil noir que Safiétou lui tendait, par bribes, en dévidant une pelote.

Ousmane prit place à côté de sa mère tandis que Djibril Guéye mettait à l’aise sa jambe invalide en l’étendant, après s’être installé dans l’unique fauteuil de la pièce.

-          Ousmane ! appela Djibril Guéye. Ousmane, tu es ma fierté. Tu m’as comblé au-delà de mes espérances. Depuis que tu as fait la différence entre ta main droite et ta main gauche, ta mère et moi n’avons rien eu à te reprocher. Tu n’as jamais rien désiré. Tu t’es sacrifié pour la communauté familiale. En cela, tu me ressembles.

« J’ai foulé le sol des lieux saints  de l’islam. J’ai vu Djeddah. J’ai prié quarante fois à Médine, comme on le recommande. J’ai entendu à l’aube la voix unique d’Abdoul Aziz, petit-fils du prophète, appeler à la prière. J’ai dormi, enivré par ma foi dans la mosquée de Médine. Je me suis prosterné devant la tombe de Mohamed Rassol. Ousmane, grâce à toi, j’ai refait le périple du prophète. Ma main a touché la pierre noire de la Kaaba. Je me suis saoulé de l’eau bénite du Zem-Zem. J’ai couru sur les lieux dits Safa-Marva qui perpétue les allées et venues inquiètes d’Adjara-Figure coranique-, cherchant de l’eau pour baigner son nouveau-né. Minam ! Arafat ! Mouzdalifa ! Tamin !-Lieux saints de l’Islam-j’ ai tout vécu. J’ai prié partout. Que Dieu te comble mon fils, Al Ham dou li lah ! Dieu merci. Que Dieu te garde, Amîn ! Amîn !

Yaye Khady et Safiétou reprirent en écho :

-          Amîn ! Amîn ! Yarabi, Amîn !

Djibril Guéye s’éclaircit la voix par des raclements de gorge. Il regarda son fils droit dans les yeux :

-          Excuse-moi d’être long. « Quand le cœur est plein, il déborde.» Mon cœur est rempli de bonheur. Il a besoin d’être libéré. Laisse-moi te le dire.

« Nous sommes ici, dans ce quartier confortable à côté des fonctionnaires, grâce à toi. Tu aurais pu comme les jeunes de ton âge qui aiment leur aisance et la préfèrent à leur famille, habiter seul ton logement et nous laisser croupir dans la baraque. Tu as toujours songé à nos besoins, ta mère et moi, avant de préserver tes intérêts.

«  Mais cette maison est bien grande pour nous six. C’est ta tante Coumba qui me l’ a fait remarquer. Voilà ce qu’elle a dit :

« Yaye Khady, ta femme est fatiguée. Elle se fane car lorsque la jeunesse épouse la vieillesse l’échange des sangs se produit au bénéfice de la vieillesse. Ainsi Djibril , tu es robuste , frais alors que ta femme s’ étiole d’ autant plus qu’ elle a toujours les corvées ménagères à son âge. »

Yaye Khady intervint rageusement :

-          Va jusqu’’ au bout de ton propos. Si Coumba me trouve fanée, elle te propose en échange une jeune et belle femme, n’est-ce pas ? Si Coumba trouve la maison  trop grade pour nous, elle veut sans doute combler l vide par une nouvelle épouse qui enfantera chaque année, n’est-ce pas ?

Djibril Guéye supplia :

-          Trêve de suppositions !

Yaye Khady, fougueuse :

-          Je ne suppose rien. Je connais Coumba. Elle ne cessera donc jamais de me poursuivre avec sa haine envieuse. Qu’elle aille trouver Dieu pour changer mon sort !

Djibril Guéye, choqué :

-          Mais écoute un peu. « Avant de clore la bouche du pâtre, reconnais d’ abord l’air qu’il siffle.» Ecoute au lieu d’échafauder. Malgré les propose de Coumba, je ne me sens plus jeune. Quand un arbre a porté des fruits, il peut se laisser abattre sans regret. Les théories flatteuses de Coumba à mon égard n’ont de but qu’un vœu : il ne s’agit pas de me donner une nouvelle épouse. Réfléchis. Suis-je assez vil pour installer dans la maison de ton fils ta coépouse ? Coumba désire que notre fils Ousmane épouse sa fille Mariéme. Mariéme passe tous les dimanches ici depuis que nous avons déménagé et t’apporte une aide notable dans la marche de la maison.

Coumba a ajouté :

« Je compte sur to pour la réalisation de mon vœu. Ousmane est un bon fils. Il est mon fils. Je veux qu’il soit mon goro- Beau fils ou belle fille (gendre ou bru)-. Je n’exige ni dot, ni machine, rien que le lien sacré. »

D’étonnement, Yaye Khady lâcha la touffe de cheveux qu’elle tenait. Ce qu’elle apprenait l’offusquait :

-          Quoi ? Coumba veut faire épouser sa fille par Ousmane ! Après avoir tenté vainement de te marier, toi son grand frère, elle se retourne vers ton fils. Elle est malade, je crois, avec son envie de marier. Ne crois pas à l’histoire du « lien sacré ». Quand une mère veut se débarrasser de sa fille, elle est mielleuse : Sans dot, sans machine, le lien béni.»Et une fois son souhait réalisé, elle réclame sans vergogne tout ce qui est dû. Si elle n’est pas satisfaite, au moindre désaccord, elle sort l’argument –massue : « N’ennuie pas ma fille. Elle ne te doit rien.»Et la fille aussi, au moindre reproche, s’indigne : « Tu m’as épousée sans rien débourser et tu veux me mener durement en plus ?» Alors Djibril, laisse de côté les douceurs de Coumba. Ce qui m’intéresse, c’est ta réponse à Coumba. Je te sais faible à son égard. Que lui as-tu dit ?

Djibril Guéye avoua :

-          Le bouc choisit lui-même sa femelle.

Yaye Khady enchaina en se tournant vers Ousmane.

-          Bien répondu. J’ajoute que cette Mariéme n’est pas aguichante. Ousmane aimes-tu cette file longue comme un rônier, plus laide qu’une hyène ? Sa tête ressemble à celle d’une tortue qui rentre et sort son cou.

Et Yaye Khady riait et se tenant le ventre, elle joignait à la description les gestes appropriés.

Djibril Guéye s’énerva ; pointant sa canne vers Ousmane, il sollicitait son secours :

-          Heureusement qu’Ousmane connait Mariéme et peut se faire une opinion. Tu exagères en voulant faire endosser à cette enfant tes différents avec Coumba. Ousmane, que dis-tu de la proposition de ta tante ?

Pris de court et percevant dans la tournure de la question le secret désir de son père. Ousmane prétexta la surprise pour ne pas répondre.

-          Je réfléchirai, dit-il.

Djibril Guéye conclut :

-          Je préfère ta pondération à l’emballement de ta mère. Toujours impulsive, ta mère !

Il demanda, pour couper court à l’entretien, son caftan gris.

-          Celui que m’a donné Ousmane, à la     Korité !

Ainsi, il éloignait sa femme de son fils. Il se méfiait de la puissance de conviction de son épouse.

Yaye Khady en se dirigeant vers l’armoire lança encore :

-          Si Ousmane devait être mis au courant de toutes les demandes de mariage formulées adroitement par des mères, il n’y aurait plus de temps ici pour autre  chose. Toutes mes amies et connaissances le veulent pour gendre. Ainsi la mère d’Ouleymatou, de Rabi, de Nafi, de Bineta .Mon fils est un homme. Tu as bien dit qu’on ne fait pas « sentir le bouc». Le choix de sa femme incombe à Ousmane et à lui seul.

Pour la faire taire, Djibril dirigea la discussion vers un sujet qui mettait Yaye Khady mal à l’aise.

-          N’oublie pas toi, que c’est ton père qui m’a choisi. C’est une pratique courante de choisir un bon mari pour sa fille. Je ne te connaissais pas. On ne t’a pas forcée !

-          Qu’en sais-tu ? répondit Yaye Khady. Vingt ans de différence d’âge entre nous et tu fais l’orgueilleux au lieu de remercier Dieu et mon père qui ont arrangé si bien ta vie.

Elle riait aux éclats.

-          Te forcer ? Te forcer, toi, têtue comme une mule , plaisanta son mari .

Yaye Khady rétorqua, mains aux hanches :

-          Oui me forcer. On m’a forcée.

Son ton peu convaincant dérida plus encore Djibril Guéye. Safiétou, étrangère à ce dialogue, profita du répit accordé à sa tête pour se dégourdir les jambes. Fière de ses nouvelles tresses, elle dansait devant la glace de l’armoire.

Ousmane avait disparu depuis longtemps.

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  • Ce roman retrace une grande histoire d' amour entre un jeune sénégalais et une jeune française . Confrontée aux difficultés ,saura-t-elle résister aux nombreuses pressions de la société sénégalaise?
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