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)î( UN CHANT ECARLATE )î(
31 mai 2021

PP-2

2

PREMIERE PARTIE

2

 

Djibril Guéye n’appréciait guère le rôle de son fils à côté de Yaye Khady. Il ne ratait jamais l’occasion de sermonner son épouse quand il surprenait Ousmane éventant le feu ou rassemblant les ordures.

-          Ne fais pas de ce gosse une femmelette ! tonnait-il.

Et de plus en plus, Djibril Guéye songeait à « sauver » son garçonnet. Le souvenir de son martyre au dahra ne l’incitait pas à chercher le secours de l’école coranique.

Il revoyait trop nettement la promiscuité douteuse, la longue cravache tombant sur les dos nus des talibés immobilisés par quatre bons gaillards.

L’école des tubaab le tentait. Et l’ambition son père d’assurer à son fils une forte trempe de caractère fut la chance d’Ousmane.

Année après année, il se fraya un chemin dans la forêt du savoir de l’école des Blancs. Chaque matin, ses outils et ses livres noués solidement dans un vieux foulard, il courait pour arriver à l’heure, après avoir effectué quelques travaux domestiques, en l’absence de son père retenu à la mosquée par les prières chantées de l’aube.

La nuit , son temps lui appartenait . A la lumière de la lampe-tempête posée à terre, il « buvait » ses premières leçons. Morceau de charbon en main quand son bout de craie était usé, il composait sur les planches de la baraque, avec les mots appris, des phrases nouvelles. Les quatre opérations, quotidiennement utilisées et vérifiées, n’avaient plus de secrets pour lui.

La nuit, une volonté de percer alliée au goût de la lecture le maintenait éveillé. Des aînés serviables le guidaient dans ses prospections. Aussi, apportait-il à ses parents de très bonnes notes, fruit d’un effort inlassable servi par une intelligence exceptionnelle.

Ousmane se souvenait …L’âge du concours à l’entrée en sixième : « Oh ! La beauté et le charme d’Ouleymatou Ngom ! Je ne me lassais jamais de la regarder.»

Quand leurs regards se croisaient, il éprouvait une grande joie. Son cœur battait plus vite. Sa respiration s’accélérait. Avec empressement, il lui portait son aide pour résoudre un problème ou appliquer une règle grammaticale. Parfois, dans ces entrevues, leurs doigts se frôlaient. Mais vitre trop vite au gré d’Ousmane, Ouleymatou retirait sa main. Sa bouche se durcissait en une moue de réprobation.

Ousmane se souvenait… L’âge du concours à l’entrée en sixième : « Oh ! La beauté et le charme d’Ouleymatou Ngom ! Je ne me lassais jamais de la regarder.»

Au jeu de langaa-buri-Jeu qui consiste à retrouver un objet caché (corde, bâton…). Le chanceux qui découvre l’objet a le droit d’en user pour corriger ses camarades qui courent pour échapper à la correction.- nocturne, elle s’arrangeait pour chercher l’objet caché dans la même direction que Seydou Niang autre frère de case d’Ousseynou.

Cette attitude nouvelle intriguait Ousmane. Acculé, Ousseynou finit par lui avouer : « Ma sœur Ouleymatou ne veut pas d’un garçon qui balaie, porte des seaux d’eau et sent le poisson sec.»

Ces paroles blessèrent profondément Ousmane dont les yeux s’embuèrent des larmes de l’adolescence si promptes à perler.

Les affres de la jalousie le torturaient. Mais il avait de la dignité une haute conception, née de l’exaltation de ses aïeux par son père.

Il était Guéye « Lébou –Ethnie de pêcheurs-pur », de ceux qui forgèrent la célébrité du Cap-Vert, de ceux qui domptèrent la mer pour conquérir la richesse.de ceux qui frayèrent avec les rab et les tuur-Créatures invisibles au pouvoir néfaste ou bénéfique-.

L’ami griot de son père, Lamane Mboup, après avoir énuméré la longue lignée des Guéye, ne manquait jamais d’ exhumer’ exploit de celui qui avait été l’ancêtre si entreprenant qu’il séduisit une rab. Et cet ancêtre se réveilla , à l’ aube de ses premières noces, dans une cour envahie de calebasses de laax-Mets sénégalais sucré , à base de farine de mil, riz ou de toute autre céréale , malaxé en flocons et agrémenté de lait caillé , ou de mixture de fruit de baobab enrichie de pâte d’ arachide-fumant, participation à la fête de son épouse invisible.

Que représente Ouleymatou, comparée aux épouses rab dont on vantait la beauté limpide comme un clair de lune, les yeux immenses lumineux et les longs cheveux de soie qui couvraient leur dos et leurs hanches ?

Et puis, il connaissait les épreuves de son père au dahra. Djibril Guéye lui avait conté sa mésaventure lors d’une nuit de tornade opaque. En revenant d’un village où il s’était attardé pour renouveler ses hardes et améliorer sa pitance, il s’était trompait de chemin. Le vent violentait ses oreilles et il se battait désespérément contre les ombres et le sol mou. Les lambeaux de son boubou, volant autour de ses os, le livraient au froid. Il marchait dans le noir, heurtant des « pierres», croyait-il.

Soudain, à la lumière aveuglante d’un éclair, Djibril frissonna : il errait dans le cimetière du village. Les tombes l’entouraient. Il s’accroupit, ferma les yeux et, jusqu’ à l’aube, usa de son savoir coranique pour se protéger.

Son arrivée lamentable dans ses loques trempées, la fièvre qui cognait à ses tempes, ses pieds chaussés de boue n’empêchèrent guère une autre averse de tomber de la longue cravache du maître.

Alors devrait-il pleurer parcequ’une petite fille feignait de ne pas le voir et lui préférait le dernier de la classe ?

Il se domina. Sa volonté et son orgueil refoulèrent le sentiment naissant.

Ousmane se souvenait … Et il marchait toujours. Il secoua la tête à l’évocation de ce sentiment, emporté par le vent, comme sa première enfance, à laquelle il appartenait.

-          Ni Ouleymatou, ni Ousseynou n’avaient résisté à la rigoureuse sélection de l’entrée en sixième, alors que sa réussite avait mis plus d’aisance dans le budget familial, avec la bourse qu’elle comportait. On annexa aux deux pièces de la baraque une chambrette pour lui. On installa, au fil des ans, un robinet qui soulagea Yaye Khady, et enfin l’électricité.

Set années de lycée ne l’avaient point départi de son ardeur au travail. Le même pas pressé et la même soif de connaissance le conduisaient ce matin à l’université.

L’indifférence moqueuse d’Ouleymatou avait brisé successivement en Ousmane tous ses élans affectifs vers les jeunes filles. De sa déception était née une détermination farouche d’étouffer en lui toute ébauche de penchant amoureux. Il assimilait toutes les femmes à Ouleymatou dédaigneuse et égoïste, prétentieuse et dure. Chaque tentation le crispait. Il imaginait des rires sournois qui s’alimenteraient de ragots sur son compte. l prenait des distances avant les chuchotements blessants : « C’est le jeune homme qui balayait et achetait du poisson sec !»

Même quand il était ému, il se retranchait derrière une cuirasse de froideur qui le protégeait des regards appuyés des jeunes filles. Son attitude n’était pas une fuite. Il se méfiait, Il parlait aux copines, en camarade serviable et poli, attentionné quelquefois, mais jamais « intéressé ». Il ne dévisageait pas ses interlocutrices, de peur d’être accroché par le petit rien séducteur qui démolit les résolutions.

Méfiant et idéaliste, Ousmane redoutait les tricheries qui régalaient les loisirs de la jeunesse du quartier.

Les aventures et mésaventures de ses camarades encourageaient son intransigeance. Les femmes, décrites volages et irresponsables, prêtes à mentir et à tromper ne l’intéressaient pas.

Le croyant seulement porté vers les livres, ses compagnons l’avaient surnommé « le Curé ». Is ignoraient l’échec de sa première tentative amoureuse et les tourments qu’il avait endurés.

Ousseynou, qui partageait son secret, en parfait xarit -Moitié, ami- n’ébruita jamais l’histoire.

 

 

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  • Ce roman retrace une grande histoire d' amour entre un jeune sénégalais et une jeune française . Confrontée aux difficultés ,saura-t-elle résister aux nombreuses pressions de la société sénégalaise?
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